Grand-père Brultey (Georges), avait exploité sa petite vigne entre le début du siècle et l’année 1950.
Puis, fatigué, il avait tout abandonné et laissé l’endroit redevenir une friche.
Moi qui suis né en 1954, j’avais vaguement entendu parler de cette vigne
mais je ne savais même pas où elle se trouvait.
On s’est renseigné auprès d’un oncle et il nous y a emmenés. C’était en mars1991.
Surprise ! Nous qui nous attendions à trouver une vieille vigne un peu en friche, nous avons découvert une brousse !
Une jungle ! Une jongle, comme nous disions à l’époque !
C’était un petit bois de 6 ares et 10 centiares, avec des arbres de toutes sortes dans lesquels avaient grimpé les anciens plants, comme des treilles sauvages.
Il y avait tellement de lianes que ça faisait réellement penser à une jungle impénétrable.
Mais ça ne nous a pas rebutés !
Dès la semaine suivante, nous attaquions le défrichage avec nos serpes, nos haches et la tronçonneuse tenue par mon oncle (on n’oublie jamais qu’on est avant tout musiciens
et qu’on n’a pas le droit de se blesser une main !).
Il fallait nous voir, couper, trancher, débarder, empiler les bûches, brûler les branches !
Dans le petit village de Brotte-lès-Luxeuil, on nous a pris pour des fous.
Les cultivateurs, qui ont tous une petite vigne pour leur consommation personnelle ont mis un peu de temps pour se rapprocher de nous, mais au bout de quelques semaines ils étaient devenus nos alliés et nous ont proposé leur aide pour finir le travail.
Encore grand merci à Monsieur Charlot !
Nous n’avons pas pu conserver beaucoup de plants originaux. Pour restaurer complètement la vigne, nous avons procédé par bouturage,en coupant des morceaux de sarment sur la vigne de Claude Bresson, ancien maire.
Il s’agit de plants très rustiques, des Bacots et des Kuhlmann.
Puis les collègues vignerons nous ont expliqué au fur et à mesure tout ce que nous devions savoir (encore merci à l’ami Georges Belhôte pour ses conseils).
Plus tard, en 1994, nous avons rencontré Pascal Henriotavec qui nous sommes toujours liés.
Pascal cultive sa vigne en agriculture biologique depuis le milieu des années 80 à Champlitte. Il a aimé notre démarche et a décidé de nous aider. Nous avons bien écouté ses conseils.
Il nous a appris la taille « Guyot » et surtout, surtout, nous a convaincus qu’on pouvait fort bien faire pousser de la vigne sans utiliser de méthodes « chimiques ».
C’est donc ce que nous faisons.
Pour le désherbage, après avoir longtemps pioché la dure terre de Brotte, nous avons expérimenté une nouvelle méthode qui a fonctionné parfaitement : nous avons disposé sous chaque rangée de vigne, un ruban de plastique noir et microporeux de 50 cm de large.
L’herbe n’y pousse donc plus, mais ce n’est pas le seul avantage !
Sous le ruban noir, une faune incroyable s’est installée, qui travaille la terre constamment et fait donc le travail à notre place.
Depuis 2016, nous tentons une autre méthode inspirée de la Permaculture : Nous remplaçons le ruban de plastique par de la paille ou du foin et cela semble vouloir fonctionner, mais nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour en conclure quoi que ce soit.
Le reste de la parcelle (entre les rangées donc) est enherbé, et nous y passons la tondeuse plusieurs fois l’an. Cela nous permet d’y avoir accès même lorsqu’il a plu. Ce n’est pas le cas des autres vignes qui sont alors toutes boueuses….
Le reste du travail consiste à la tailler, en mars et en juillet :Ce sont deux tailles bien distinctes :
Celle de mars est la plus importante puisque c’est elle qui détermine la forme du cep et le nombre de bourgeons qui se développeront pendant l’année.
Pour celle de juillet, il s’agit de couper les sarments excédentaires qui ont tendance à se développer démesurément.
Et puis arrive l’époque des vendanges !
Chaque année ils sont là, nos vendangeurs !
Des jeunes, des « anciens » tous unis dans le même amour de ce petit coin de terre.
Chaque année c’est l’ambiance « vendanges »….
Avec le casse-croûte qui nous réunit jusqu’à la nuit sous » la Pétaudière », notre petite cabane en bois située juste à côté de la vigne.
La récolte nous donne en moyenne 200 litres de Bonum Brottum.
Extrait d’une interview donnée à Thierry Boillot et parue
dans « l’Alsace » et « Le Pays » en août 2000.
Tous les copains des rictus sont présents et la récolte se fait sur une demi-journée.
Le vin est pressé dès le lendemain.
Avec près de 13 degrés, le Bonum Brottum doit être consommé avec modération. Roland n’ouvre les bouteilles que parcimonieusement, lors de rencontres authentiques entre amis. « Quand on l’a goûté pour la première fois, on s’est dit que c’était le meilleur du monde, affirme t’il. On le pense encore aujourd’hui. On a galéré au début, mais lorsqu’on agit par plaisir, rien n’est vraiment difficile. On cherche à être fiers de ce qu’on fait.
En musique aussi, on a fait des erreurs mais je ne renie rien
de nos premiers disques vu les moyens et les connaissances que nous avions à l’époque.
Aujourd’hui, on est conscients d’une progression à chaque album »
« Gloire à la folie qui nous guida, vers cette envie là »
Son retour à la terre, rictus le vit avec une âme d’enfant. Chacun s’émerveille lorsqu’un chevreuil leur rend visite sur courts-sillons. Et de chanter : « gloire à la folie qui nous guida, vers cette envie là » Car les vertus du Bonum Brottum transcendent inévitablement leur approche musicale. « la vigne nous a appris la patience, conclut Roland. Nous nous devons d’être humbles car tout dépend de la nature et tout pousse toujours à son rythme. Nous ne tenons pas à devenir des stars. Lorsqu’on fait un disque, on cherche juste à gagner de quoi enregistrer le suivant.
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En 2017, nous avons produit un film documentaire construit avec des images tournées tout au long de ces années, du premier coup de serpe à la première gorgée de Bonum Brottum.